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Sargasses et voies de valorisations

Dernière mise à jour : 13 mai 2023

Par Sarra Gaspard

Photo : Alex Perez

 



Les algues sargasses s’échouant sur les côtes de la Guadeloupe et des autres îles de la caraïbe sont les espèces Sargassum natans et Sargassum fluitans. Ces végétaux sont maintenus à la surface des océans par de petites poches sphériques remplies d’un gaz produit par l’algue elle-même. Elles peuvent ainsi croître et se diviser au large sans se fixer, et survivre sur de longues distances. Des études récentes utilisant l’analyse d’images satellitaires ont montré que ces sargasses ne proviennent pas de la mer des sargasses comme on pourrait le supposer a priori.




Ces amas d’algues proviennent d’une nouvelle région située au nord de l’estuaire de l’Amazone, au Brésil. Elles sont ensuite poussées par les courants océaniques et le vent des systèmes dépressionnaires de la zone de convergence intertropicale. Elles bénéficient pour se reproduire d’une température océanique élevée et d’un apport en nutriments des fleuves Amazone et Congo. Compte tenu de la destruction massive de la mangrove d’Amérique latine, qui permettait auparavant de retenir une grande partie des nutriments provenant des fleuves, les nutriments contenus dans l’eau de l’Amazone et L’Orénoque sont déversés en quantité importante aux embouchures de ces fleuves et favorisent la croissance de ces algues. Les sargasses remontent ensuite le long de l’Amérique du Sud grâce au courant nord brésilien et rejoignent finalement les côtes d’Amérique Centrale et du Golfe du Mexique d’une part, mais aussi l’autre côté de l’Atlantique atteignant depuis 2011, les côtes du continent africain, du Sénégal au Nigeria.


(…) une biomasse renouvelable telle que la sargasse peut constituer à la fois une source d'énergie durable et une alternative viable aux technologies de dépollution coûteuses.

En mer, ces algues peuvent constituer des niches de protection pour les juvéniles poissons et crustacés comme pour les tortues marines. Mais arrivées sur la frange littorale, elles forment un barrage difficilement franchissable pour les tortues marines, empêchant les tortues adultes de venir pondre et les tortillons de rejoindre la mer lorsqu’ils sont sortis du nid. Les coraux ne pouvant plus recevoir de lumière sont aussi affectés indirectement par la présence de ces épais bancs de sargasses en surface. Arrivées sur les côtes, ces algues s’accumulent et appauvrissent le milieu en oxygène, elles se décomposent sur les plages, et produisent de l’hydrogène sulfuré, un gaz présentant une odeur nauséabonde et des risques pour la santé. Il est alors recommandé aux personnes vulnérables (enfants, personnes âgées ou malades) d’éviter les zones de décomposition. Ainsi, depuis 2011, les côtes des îles de l’arc caribéen ont connu des échouages massifs et successifs de sargasses, qui se sont ensuite reproduits, en 2012 et 2014, puis 2015. Ainsi de mars à août 2015, les côtes des Antilles ont été particulièrement affectées conduisant à des conséquences majeures sur divers secteurs de l’économie locale, tels que la pêche et le tourisme balnéaire.


Aussi, en Guadeloupe et Martinique, a été mis en place par les pouvoirs publics, un plan ayant pour objectif de mener des actions de lutte coordonnées contre l’invasion des sargasses et ses conséquences. Il prévoit le soutien de projets prévenant l’échouage des sargasses, et permettant leur collecte en mer ou au sol grâce à des techniques respectueuses de l’environnement.


© David Doublet


L’autre aspect des actions soutenues concerne la valorisation des sargasses qui peut être aussi considérée non plus comme un déchet, mais comme une nouvelle matière première renouvelable. Les voies de valorisation envisagées sont potentiellement multiples. L’alimentation animale, ou la production d’engrais à base de sargasses est une filière envisagée. Il est cependant nécessaire que les concentrations en métaux lourds ou composés organiques polluants de la biomasse échouée soient mesurées, afin d’éviter toute propagation des polluants accumulés par les algues lors de leur trajet.


Les sargasses sont aussi susceptibles de constituer un réservoir de molécules biologiques d’intérêt : agar, alginates et carraghénanes. Il s’agit d’agents gélifiants, épaississants, et stabilisateurs utilisés dans l’agroalimentaire, ou encore de molécules dont les applications dans des secteurs divers allant de l’industrie pharmaceutique à la cosmétique sont connues.



Les sargasses pourraient enfin être utilisées pour la production d’énergie à partir des procédés de méthanisation ou de carbonisation, et elles pourraient être transformées en matériaux à forte valeur ajoutée pour le traitement des pollutions. En effet, le nombre d'études sur l'utilisation de biomatériaux pour la fixation des polluants a fortement augmenté au cours des dernières années. Ces procédés attirent considérablement l’attention des chercheurs travaillant dans le domaine du traitement de l'eau, car ils présentent de nombreux avantages (matériaux renouvelables et peu coûteux), et possèdent une bonne aptitude à la concentration de composés organiques ou métalliques.



L’envahissement par ces algues sargasse constitue un phénomène nuisible non seulement pour l’environnement, la faune, la flore, mais aussi, les humains, avec aussi des conséquences notoires sur l’économie locale et la santé. Il s’agit d’un fléau, qui compte tenu de son origine, sera certainement massif et récurrent. Des solutions rapides et économiquement viables doivent donc être trouvées de toute urgence. Relever ce challenge nécessite, la coopération des États concernés dans la recherche de solutions et de repenser le modèle d’exploitation des ressources actuelles, en envisageant les sargasses comme une ressource, une source de matière première.


Dans le contexte mondial ou parmi d’autres, deux des défis majeurs sont la production d'énergie durable et l'approvisionnement en eau de bonne qualité, une biomasse renouvelable telle que la sargasse peut constituer à la fois une source d'énergie durable et une alternative viable aux technologies de dépollution coûteuses. Par ailleurs, ce phénomène démontre encore une fois si cela était nécessaire, l’interdépendance des États dans les choix économiques, leurs conséquences et dans la gestion des crises environnementales.

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