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Le crowdfunding, the new deal

Dernière mise à jour : 13 mai 2023

Par Salomé Berry et Ken Joseph

Photo : Jens Krater

 




Avez-vous déjà eu une idée géniale, en vous disant :

« Si j’avais un coup de pouce financier, je le ferais » ?



Moi, oui. J’ai eu, un temps, l'intention de créer un concept de « resto-boutique » haut de gamme avec livraison, puis un show-room avec des designers de la Caraïbe et depuis peu de développer une ligne de vêtements en fibres naturelles… Bref, les idées ne me manquent pas. Bien sûr, il y a toujours l’option de solliciter des investisseurs potentiels. Mais il me faudrait toutefois les convaincre de la profitabilité du projet et très certainement leur céder des parts. Trouver un mécène ? C’est comme les investisseurs, ils ne courent pas les rues. Jouer mes économies au casino ou encore demander à mes parents ? Non, ils me diront de passer un concours de la fonction publique et d'oublier cette idée… C'est mieux, selon eux, mais je ne suis pas fait pour ce format.


Moi, je veux entreprendre, créer, innover… Surtout, m'épanouir et faire quelque chose qui me plaît et d'utilité pour mon territoire. Oui, mais sans argent, ce n’est pas gagné. Un prêt bancaire ? Elles sont trop frileuses par les temps qui court. En réalité, l’idée serait plutôt que de trouver un partenaire avec beaucoup de moyens, il me faudrait trouver un grand nombre de partenaires avec des moyens limités, mais non moins réels. Une option, non négligeable, qui pourrait donner vie à mon projet. Place au financement 2.0, the new deal.


© Chris Curry


De la tontine au new deal


Plus connue aux Antilles sous le nom de loterie, la tontine est un système de financement dit solidaire, qui consiste à se prêter de l’argent sans passer par la case banque. Elle permet aux personnes à revenu limité d’investir, d’acheter une voiture, un ordinateur, de renflouer son compte. Tout cela sans intérêt ni frais bancaires. Des avantages décisifs pour les petites bourses ! La mécanique fondamentale de la tontine est simple et redoutablement efficace. Les membres d’une communauté constituent une cagnotte avec les moyens financiers dont ils disposent et la confient à un tontinier ou à une tontinière qui joue le rôle de tiers de confiance. Il n’y a pas de contrat, pas d’écrit, juste un engagement moral. Chaque contributeur pourra ensuite recevoir à tour de rôle – et/ou par tirage au sort – tout ou une partie de l’argent collecté. Cette pratique des plus informelles, voire archaïques, est très populaire en Afrique et en Chine, elle fait office de système d’épargne et de crédit, mais aussi de protection sociale, de lieu d’échanges culturel, de réseau d’influence. En France, elle existe depuis 1652. Et si se prêter de l’argent reste un acte légal, au-delà de 760 €, il vous faudra faire une déclaration au fisc et cela même s'il n'est pas formalisé par écrit, qu'il soit consenti avec ou sans intérêt. Dans le cas contraire, le fisc pourra requalifier le prêt en donation déguisée. Selon l’État, les prêts en famille et entre amis, en France, atteindraient les 2 milliards d’euros par an.



Bien loin des banques et de leurs taux d’intérêt souvent exorbitants, loin des investisseurs et des parts de capital dans l’entreprise, la tontine – cette pratique ancestrale – a permis à de nombreux porteurs de projets de faire face aux problèmes liés à la recherche de financement. Et grâce à ce système, des Auvergnats et des Aveyronnais ont conquis les cafés parisiens, des Africains ont développé des commerces exotiques, des salons de beauté, des restaurants… Mais les experts tontiniers sont incontestablement les Asiatiques, qui du fait de ce principe ont créé de véritables commerces et on envahit des quartiers tels que Belleville et Aubervilliers, en y achetant souvent des immeubles. Cette forme d'entraide, culturellement ancrée dans les pratiques communautaires, constitue de fait un mode de financement participatif. Et à la vue de ce business florissant, certains ont flairé la bonne affaire, car, depuis quelques années, de nombreux sites dits de « crowdfunding » (littéralement, « financement par la foule ») ont vu le jour. Bienvenue à l’ère du tout numérique !

© Stefen Tan



Révolution du Web 2.0


Le crowdfunding permet de créer une véritable relation interactionniste dans la sphère entrepreneuriale. Cette pratique, qui fait ses premiers pas en 2003 dans le domaine de la musique, avec le site artistshare.com, qui permet aux internautes de financer la création d’un album sans avoir recours aux labels, déclenche un mécanisme de financement révolutionnaire. Le site indiegogo.com, à sa création en 2008, étend encore plus cette pratique innovante aux domaines du cinéma, de la mode, et à bien d’autres catégories. Mais c’est sous l’impulsion de kickstarter.com que le crowdfunding deviendra un moyen alternatif à l’investissement traditionnel dominé par les banques. Avec des effets plutôt surprenants. Par exemple, le projet de l’entreprise Pebble Technology, une montre offrant les mêmes capacités qu’un smartphone, réunira un financement supérieur de 10 000 % par rapport à son but initial : son budget atteindra ainsi la somme inespérée de 10 266 845 dollars.


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Ces sites web sont des plateformes de financement participatif, ou encore de sociofinancement, qui permettent de mettre en contact des porteurs de projet et des internautes désireux de les financer. On y dépose son projet avec un titre accrocheur, une courte description et bien souvent une vidéo attractive. Les internautes sont alors invités à se transformer en backers : selon le niveau financier versé par l’internaute, ils se voient attribuer des cadeaux d’estime ou le produit fini ou même un package VIP (série limitée, rencontre avec les créateurs). Ainsi, si le projet le séduit, l’internaute peut faire soit un don, soit prendre part au capital ou encore accorder un prêt.

© Kewal


Dans le cadre d’un investissement dans le capital de sociétés : l’internaute souscrit des titres (actions ou obligations) émis par une société non cotée (TPE, PME…). En contrepartie de sa prise de participation, il perçoit des dividendes ou des coupons et la plus-value éventuelle réalisée lors de la revente de ses titres. Il peut alors bénéficier des avantages fiscaux réservés aux investissements en direct dans les sociétés non cotées.


Le crowdfunding, en permettant l’accès à des fonds, agit comme un outil désinhibiteur de création d’entreprise.

Les plateformes d’investissement (ou crowdequity) doivent avoir le statut soit de conseiller en investissement participatif (CIP) soit de prestataire de service d’investissement (PSI). Les CIP sont immatriculés au registre l’Orias et les PSI au registre Regafi. D’autre part, en cas de prêt, à titre gratuit ou rémunéré où l’internaute prête de l’argent à un porteur de projet (un particulier ou une entreprise) qui a présenté son projet sur la plateforme de financement participatif, la plateforme doit avoir le statut d’intermédiaire en financement participatif et être immatriculée au registre l’Orias. Le contributeur peut prêter jusqu’à 2 000 € par projet pour un prêt avec intérêts. Le taux du prêt est soumis au seuil de l’usure, comme pour tout crédit. Si le prêt est sans intérêt, le montant plafond est porté à 5 000 € par projet. Le particulier peut participer au financement d’autant de projets qu’il le souhaite, aucun plafond global n’est fixé. De l’autre côté, le porteur de projet ne peut pas emprunter plus d’un million d’euros par projet. Et lorsque le porteur de projet est un particulier, qui n’agit pas pour des besoins professionnels ou ni pour financer une formation, seuls des prêts sans intérêts peuvent lui être consentis.


Le crowdfunding, en permettant l’accès à des fonds, agit comme un outil désinhibiteur de création d’entreprise. Ce mode de levée de fonds se présente comme l’alternative aux financements classiques perçus comme élitistes et réservés aux projets de grande envergure. « Le financement participatif a fait apparaître une nouvelle génération d’entrepreneurs particulièrement précaires, dont les revenus n’atteignent pas le SMIC », observe Jérémy Vachet, chercheur associé de l’Agence nationale de recherche.

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