Par Gisèle Wood
Photo : Thomas Whiteside
« C’est l’heure. Je pense que notre démocratie a vu juste : deux mandats, huit ans. C’est assez », confie Michelle Obama dans les colonnes du magazine Vogue US. Elle l'avoue : « La vie à la Maison-Blanche isole. […] Barack et moi, parce que nous sommes un peu têtus, avons maintenu une certaine normalité, principalement en raison de l’âge de nos enfants ». « Je sors dîner avec mes copines, je vais au match de Sasha… », insiste celle qui dit adopter « la même démarche en partant qu’en arrivant ». Ses premiers pas à Washington n’ont pourtant pas été si sûrs « Je ne savais pas ce que j’allais faire avant d’arriver, je n’avais jamais été First Lady des États-Unis d’Amérique. »
© The Obama-Robinson Family Archives
Née le 17 janvier 1964, Michelle Obama a grandi à Chicago dans le South Side, quartier communautaire, au sein d’un foyer uni. Son parcours ? En 1981, elle entre à l’université de Princeton. Une admission qui réside, selon elle, moins dans l’exercice de la discrimination positive que dans le fait que son frère, Craig, qui y avait obtenu une bourse, était devenu la star de l’équipe de basket. Au sein du campus encore trop monocolore, elle se sent « comme une visiteuse ». Une isolation qui la pousse à traiter de la division raciale. Une thèse que le couple Obama a tenté de garder sous scellé jusqu’au lendemain de l’élection. Mais face à la pression médiatique, Michelle a été forcée de publier le texte, qui révèle un scepticisme, une amertume. Sa conclusion est frappante : son diplôme de Princeton lui permettra au mieux de s’installer à « la périphérie de la société ». Elle ne sera jamais « une participante à part entière. » Son destin en a décidé autrement.
© Instagram/@michelleobama
Après Princeton, Michelle entre à la faculté de droit de Harvard et commence à suivre le chemin, a priori tracé pour l’élite blanche. À sa sortie, elle devient avocate dans un cabinet d’affaires de Chicago. Un été, elle est chargée de s’occuper d’un stagiaire tout juste diplômé de Harvard. Un stagiaire qui ne cessera de lui tourner autour, et qui n’est autre que Barack Obama. Au départ réticente, Michelle finit par se laisser séduire : ils se marient en 1992, donnent naissance à Malia en 1998 et à Sacha en 2001. Après avoir rencontré Barack, Michelle quitte le privé pour entrer à la mairie de Chicago, puis à l’hôpital universitaire en tant que vice-présidente chargée des relations extérieures, jusqu’à la campagne électorale.
© Instagram/@barackobama
Sa vie d’avant, elle y a mis une croix quand Barack Obama a été élu président. « Michelle n’a jamais demandé à être première dame », explique pour sa part Barack Obama dans cette même interview. « Comme beaucoup de femmes politiques, elle a dû endosser ce rôle. Mais j’ai toujours su qu’elle serait incroyable et qu’elle laisserait son empreinte dans ce travail ». « Car, vous voyez qui elle est – une femme brillante, drôle, généreuse […]. Je pense que les gens sont attirés par elle, car ils se voient en elle – une mère dévouée, une bonne amie et quelqu’un qui n’a pas peur de faire preuve d’autodérision de temps en temps. » Les démocrates l’adulent, les républicains la redoutent. Et les Américains se plaisent à l’imaginer, un jour, faire de la politique. Michelle Obama est incontestablement la vedette des élections de 2016. Tout au long de la campagne, elle, qui n’a fait qu’une poignée d’interventions, a affiché une popularité à faire pâlir d’envie les deux prétendants : 64 % d’opinions favorables, soit 10 points de plus que son mari. Huit ans après avoir été dépeinte comme une femme noire en colère, « Michelle » s’est fait un prénom et fait désormais l’unanimité.
Une popularité qu’elle doit, en partie, au fait de n’avoir pas voulu jouer un rôle partisan à la Maison-Blanche, à la différence d’Hillary Clinton dans les années 90. Elle s’est pliée avec enthousiasme aux contraintes protocolaires de la fonction, faisant campagne sur des sujets consensuels comme la lutte contre l’obésité, l’éducation, ou en faveur des anciens combattants. Avec sa façon de prendre les gens dans ses bras plutôt que de leur serrer la main, ou de retirer ses chaussures pour danser avec les enfants en voyage officiel, elle a construit une image de simplicité et de spontanéité qui vaut aujourd’hui un vrai capital sympathie auprès des électeurs des deux camps. Elle a aussi naturellement adopté les réseaux sociaux et fait quelques apparitions dans les talk-shows télévisés dont les Américains raffolent. Cette popularité, Hillary Clinton a su l’utiliser dans les dernières semaines de la campagne, en faisant intervenir la première dame dans les États clefs, comme la Caroline du Nord, ou juste après la diffusion d’une vidéo dans laquelle Trump tient des propos obscènes sur les femmes. Chaque fois, ses discours émouvants, prononcés sans notes, ont fait mouche et imposé le silence.
Le pouvoir de conviction de Michelle Obama n’est pas nouveau. En 2008, les conseillers du président américain avaient remarqué qu’après ses interventions, les appels de bénévoles désirant s’impliquer dans la campagne explosaient. Pas étonnant que la presse américaine spécule sur son éventuel avenir politique, évoquant une candidature au Sénat ou même à la Maison-Blanche. Ce que l’intéressée exclut catégoriquement, affirmant vouloir se consacrer à ses filles. « Je ne me présenterais pas à la présidence, a-t-elle coupé court il y a quelques mois. Non, non, pas moyen. » Et pourtant, une partie de la population semble voir les choses autrement. Pour beaucoup, il faudrait que FLOTUS (First Lady of The United States) devienne POTUS (Président of The United States). Après tout, l'Amérique adore les dynasties ! Et Michelle Obama pourrait avoir de l'appétit.
Première First Lady afro-américaine, Michelle Obama, restera le symbole de toute une génération. Son rôle à la Maison-Blanche fut double : non seulement elle a dû se tenir au côté de son mari, mais aussi rassurer son pays tout entier sur le fait qu'une femme noire et au physique particulièrement imposant n'est pas seulement « douée pour l’athlétisme. » Durant 8 ans, elle nous aura vendu du rêve que ce soit par sa prestance, son style et ses engagements… Elle nous aura montré et démontré que tout était possible.
Dans ses mémoires, Michelle Obama invite les lecteurs dans son univers, à travers le récit des expériences qui ont fait d’elle la femme qu’elle est aujourd’hui, depuis son enfance dans le South Side de Chicago en passant par les années où elle a dû concilier sa vie d’avocate et de mère de famille, jusqu’aux deux mandats passés à la Maison-Blanche. Avec la sincérité, l’humour et l’esprit qu’on lui connaît, elle décrit ses victoires comme ses défaites, publiques et privées, et raconte son histoire telle qu’elle l’a vécue. Becoming retrace le parcours intime d’une femme de caractère qui a toujours su aller au-delà de ce qu’on attendait d’elle – une histoire qui nous encourage à faire de même.
Comments