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Moonlight, le sacre d’une Amérique

Dernière mise à jour : 13 mai 2023

Par Gisèle Wood

Photo : Willy Vanderperre

 




Un éloge de la lenteur, de l’observation et du non-dit qui relève plus de l’expérience sensorielle intime.



Loin du faste des productions hollywoodiennes, du tumulte et du culte de la polémique, Moonlight est la surprise venue des États-Unis que personne n’avait vue venir.


Profondément pudique, juste et charnel, ce film sublime à lui seul une notion beaucoup trop souvent négligée au cinéma, celle de l’expérience humaine. Adapté de la pièce de théâtre Black Boys LookBlue de Tarell Alvin McCraney, le film nous fait suivre à travers trois étapes d’une vie le destin tragique de Chiron, un jeune enfant, adolescent et adulte de la banlieue pauvre de Miami. Les sermons moralisateurs et le misérabilisme n’ont ici pas droit de citer. À la place, le spectateur est comme invité à partager la vie du protagoniste, à accompagner une trajectoire de vie, qui sans avoir nécessairement de portée universaliste déborde d’un vrai humanisme aussi tendre que tragique. Sorti en 2016, Moonlight touche à des questions de sexualité, de masculinité, de relation mère-fils et d’identité afro-américaine avec une pudeur et une élégance qui manquent à nombre de faiseurs de morale actuelle.


À l’écran, Barry Jenkins, réalisateur et scénariste afro-américain élevé dans le ghetto de Liberty City, à Miami, en Floride, par une mère devenue accro au crack au milieu des années 80, suit le héros de près. Filmée en plans rapprochés, chaque action est en effet montrée pour nous immerger dans la vie de Chiron.


L’indissociable trio d’acteurs qui interprète le héros (Alex R. Hibbert, Ashton Sanders et Trevante Rhodes), par sa déclamation timide, mais surtout ses regards et ses silences, donne une humanité et une véracité folle au personnage. Et si les trois changements d’acteurs qui s’opèrent ne nuisent pas à la qualité du récit, c’est bien sûr grâce à une direction et un jeu d’acteur maîtrisé, mais surtout grâce à une écriture remarquable qui donne au protagoniste et aux situations qu’il vit une impression de réel véritablement palpable. Une force qui se retrouve aussi dans les autres personnages du film, de la mère instable (Naomie Harris) à la mère adoptive (Janelle Monáe) ainsi que dans celui de Kevin, le seul ami de Chiron lui aussi interprété par trois acteurs différents (Jaden Piner, Jharrel Jerome et André Holland).



© Art Streiter for EW/Barry Jenkins


Moonlight a remporté trois prix lors des Oscars/Academy Awards 2017. Celui du meilleur film, une première pour un long-métrage centré sur l’homosexualité et une deuxième pour un noir après Steve McQueen, du meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali et enfin du meilleur scénario adapté. Depuis sa sortie Moonligth comptabilise près de 12 prix et 19 nominations, et a assuré 65 millions de dollars de recettes mondiales pour un budget de 4 millions. Après ce succès, le réalisateur et scénariste, Barry Jenkins a sorti en 2018 son troisième long-métrage « Si Beale Street pouvait parler » adapté du roman du même titre de James Baldwin (Stock, 1997). Un magnifique drame qui évoque l'amour et le racisme à travers le destin d'un couple dont le mari est accusé à tort de viol. Et comme dans Moonlight, la maîtrise y est forte…

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