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Roméo Mbouti | Éram

Dernière mise à jour : 13 mai 2023

Propos recueillis par Ken Joseph

Photos : Éric Corbel

 




Il arrive comme on l’avait imaginé… d’un regard vif, un style décontracté, casual et sa conception pragmatique de l’entrepreneuriat. Rencontre d’un entrepreneur ambitieux, volontaire, engagé, d’un leadership affirmé qui a fait le choix de quitter l’Afrique, son Congo, afin de se lancer. Retour sur les ressorts d’un pari réussi. En toute franchise !




Se construire, du Congo à la France.


À la maison, l’éducation était matrifocale et variait entre tradition et modernité. Septième d'une fratrie de huit, je peux dire que j’ai bénéficié de la bienveillance de mes aînés et garde de bons souvenirs imprégnés entre autres de la chaleur douce des soirs autour du feu lorsqu’on nous contait des histoires. Enfant, j’étais calme et dévoué, un garçon plutôt facile à vivre avec une petite pointe de rébellion lorsque la justice pour un frère, une sœur ou un camarade était en jeu. À l’école, c’était plutôt strict. C’est l’époque des châtiments corporels et de l’instruction civique dogmatique puisque mon pays natal le Congo, ancienne colonie française avec Brazzaville comme capitale de la France libre durant la Seconde Guerre mondiale, avait opté pour la doctrine marxiste-léniniste après sa révolution. On avait le cap à l’Est et le modèle éducatif était réglé sur la Chine, Cuba, l’URSS… À 18 ans, la suite de mon cursus scolaire a lieu en France. D’abord, le baccalauréat de comptabilité, comme mes aînés, puis un BTS en gestion, conclut par deux années d’études supérieures en comptabilité-gestion et finance. Viendra ensuite le service militaire obligatoire, je fais partie des derniers appelés, un véritable moment d’intégration pour moi.


L’idée de l’entrepreneuriat m’a toujours habité. Parfois, j’ai l’impression que c’est dans l’ADN de la famille.

En fait, je réalise que je suis multiple et me suis construit autour de valeurs différentes qui m’ont plus apporté que tourmenté. Par la tradition familiale, j’ai appris l’affirmation de soi, la solidarité et l’entre-aide – il faut donner pour recevoir. De l’éducation scolaire inspirée du communisme, j’ai intégré la notion d’engagement, d’ordre et de discipline. De la culture libérale à l’Européenne, j’ai découvert l’étendue du champ des possibles. Après le service militaire, le saut dans la vie professionnelle s’est imposé, mais le désir du retour au pays natal encore plus. C’est ainsi que j’ai intégré en tant que contrôleur de gestion le groupe de boulangerie créé par mon frère aîné. Plus qu’un tremplin, cette expérience très formatrice, m’a marqué personnellement et forgé mon caractère professionnel puisqu’elle s’est déroulée dans le contexte de post-guerre civile qu’a connu le Congo en 1997.


Mes armes affûtées, dès mon retour en France, j’ai eu l’opportunité d’intégrer le monde de la chaussure, d’abord en tant que gestionnaire de stock. Mais ma passion pour cet univers s’est révélée lors de ma seconde expérience dans ce secteur. J’avais été engagé en tant qu’assistant de direction commerciale, j’ai évolué comme contrôleur de gestion et fini bras droit du dirigeant d’une entreprise familiale spécialisée dans les chaussures multimarques de luxe sur l’avenue des Champs-Élysées. Voilà, vingt ans que je suis dans les boîtes de chaussures.





Le choix de la franchise.


L’idée de l’entrepreneuriat m’a toujours habité. Parfois, j’ai l’impression que c’est dans l’ADN de la famille. Plus proche de moi, l’inspiration est venue de mon père, un véritable self-made-man qui a su se forger une réputation d’entrepreneur et de mes frères, qui à tour de rôle, ont expérimenté la création d’entreprise. En les observant tous, avec admiration, j’ai également intégré la notion de risque. Plus loin, je pense que les légendes autour du feu, sur le passé commerçant de nos ancêtres ont nourri mon imagination. Le déclic est arrivé quand j’ai réalisé que j’étais arrivé au bout de ma mission auprès de mon dernier employeur et qu’avec l’expérience acquise, il était temps de passer à une nouvelle étape, dans ma vie.


Dans les difficultés à affronter, celle qui n’est pas à négliger est celle de la relation bancaire qu’il a fallu construire avec beaucoup d’effort.

C'était en 2009 et en dépit du contexte social, des réticences légitimes de la famille, l’appel du destin était trop fort et j’ai maintenu mon cap sur la Guadeloupe qui avait déjà volé mon cœur depuis 2004. J’ai donc pris deux ans pour observer le département, son environnement économique ; et en 2011 j’ai décidé de concrétiser mon projet de création. À la base, c’est une nouvelle enseigne que je souhaitais créer, mais dans mes démarches, les échanges avec mes proches et par mes contacts, l’idée de la franchise s’est avérée. C’est un contrat qui peut paraître contraignant parce que l’on dépend d’une marque, qu’on ne possède pas et qu’il faut souvent mobiliser des garanties et respecter une charte, mais dans le contexte de l’époque, cette option était la plus réaliste et le parcours plus sécurisant. Le deal est simple : contre rémunération financière, vous utilisez une marque et bénéficiez de son expertise, sa notoriété, d'un soutien logistique et technique et même juridique dans certains cas. En tant que contrat commercial, la franchise découle naturellement de la négociation. Chacun doit y trouver son compte.



Les démarches créant les opportunités, j’en ai saisi une. Plutôt que de me rendre au salon de la franchise qui a lieu tous les ans à Paris, j’ai croisé ici en Guadeloupe le business angels utile lorsque l'on est jeune et qu’on veut se réaliser sur un terrain nouveau.


Un bon leader doit d’abord avoir un cap et un discours clairs. Il n’est pas obligatoirement omniscient ou omnipotent, mais il doit surtout savoir s’entourer et déléguer.

Convaincu par mes arguments et surtout mon engagement, il m’a soufflé le nom d’ÉRAM et m’y a introduit pour conclure un contrat de franchise classique, avec une exclusivité sur la Guadeloupe. Et voilà ! Assez rapidement avec un financement personnel et un emprunt bancaire la nouvelle aventure était lancée et cela dure depuis 8 ans. Aujourd’hui, je peux dire que le choix de la marque ÉRAM était pertinent. C’est une véritable maison qui cultive l’esprit de famille, sa cible de toujours, avec des valeurs et un savoir-faire authentique. Nous partions donc avec un partenaire emblématique, fort de 90 ans d’expérience et un enjeu : nous adapter au marché, aux réalités locales, et faire avec les contraintes liées à l’insularité. Je crois que nous y sommes parvenus, car la marque est bien positionnée et sa présence justifiée.





Profil d’entrepreneur.


Dans les difficultés à affronter, celle qui n’est pas à négliger est celle de la relation bancaire qu’il a fallu construire avec beaucoup d’effort. Le métier du commerce est très prenant par définition et lorsque la passion s’y mêle cela prend une place entière dans notre vie. C’est comme une personne dont on s’occupe, comme un bébé. Ne pas compter ses heures, ne pas trop penser aux prochaines vacances et ne pas hésiter à vider ses bas de laine en cas d’urgence fait partie des sacrifices.


Dans le domaine du travail, je suis très observateur, rigoureux et fonctionne en équipe de façon horizontale, car je suis un adepte du management participatif. Je suis un entrepreneur qui a besoin d’allier les chiffres à mon intuition donc souvent sur le terrain. Le leader c’est le pilote d’un projet. Un bon leader doit d’abord avoir un cap et un discours clairs. Il n’est pas obligatoirement omniscient ou omnipotent, mais il doit surtout savoir s’entourer et déléguer. Il doit faire confiance et pouvoir contrôler. C’est celui qui apparaît incontestablement comme un guide aux yeux de son équipe. Ma force et mon courage… si j’en ai, me viennent de mes proches. Leur soutien est jusqu’ici sans faille. J’aime les choses simples, en ce moment c’est le jardinage qui m’apaise.


L’échec c’est le revers de l’action, il faut agir en dépit de cette menace pour avancer. Il existe une belle citation de Nelson Mandela à ce sujet. Le reste n’est que retournement de situations ou des erreurs, car tous ceux qui font savent qu’elles existent.

Pour moi, l’entrepreneuriat c’est avant tout une initiative de création, qui nous implique et nous reflète personnellement. On y met de soi, on donne corps à ses rêves. Je ne pense pas que ce soit l’unique ascenseur social au détriment du rêve de la fonction publique, c’est juste une option parmi d’autres, mais au moment où la fonction publique dans tous ses versants connaît de profondes mutations dans un contexte global de réduction des moyens, toutes les initiatives doivent être encouragées pour le développement de la Guadeloupe, forte de ses richesses naturelles et culturelles. C’est pour cela que je rends hommage à tous ceux qui se sont lancés. Avec plus ou moins de succès, ils ont essayé pour certains et font face aux difficultés avec dignité pour d’autres. Ce sont des hommes et des femmes, souvent dans l’ombre, qui contribuent au rayonnement de la Guadeloupe. Je les respecte.




Y arriver...


C’est difficile de définir la réussite, car la vie est pleine de rebondissements. Si on la considère comme la réalisation d’une ambition, d’un désir ou le sentiment d’avoir trouvé sa place dans la société, il faut ensuite pouvoir la mesurer. Comment ? Par un grand sentiment de plénitude peut-être. Du coup ! Je réalise que j’ai encore du chemin à parcourir pour y arriver !!!!


L’échec c’est le revers de l’action, il faut agir en dépit de cette menace pour avancer. Il existe une belle citation de Nelson Mandela à ce sujet. Le reste n’est que retournement de situations ou des erreurs, car tous ceux qui font savent qu’elles existent. J’en ai fait et j’en ferai peut-être encore. Le développement de la marque ÉRAM en Guadeloupe se fera par l’ouverture d’autres points de vente avec des évolutions dans l’offre. C’est à l’étude. Si c’était à refaire, je le referais. Un conseil ! Rester persévérant, confiant et rigoureux dans sa gestion.

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